Le Baïkal, ce n’est pas la mer à boire !

Mardi 11 juin 2019 – Il y a des jours comme cela, des lieux, des noms, qu’on attend avec beaucoup d’impatience. Cette excursion au lac Baïkal était attendue depuis longtemps. Après seulement 66 km de route, en suivant l’Angara, le seul émissaire du lac, nous arrivons à Listvianka, la « riviera » du Baïkal, village situé à l’endroit où le lac donne naissance à la rivière Angara. Le site est magnifique.  Nous sommes à l’extrémité Sud du lac qui couvre une superficie de 31.722 km², soit autant que la Belgique, 55 fois la superficie du lac Léman ! Véritable mer intérieure, il s’étend sur une longueur de 636 km avec une largeur variant de 24 km à 79 km, ce qui en fait le sixième lac au monde. Le Baïkal, c’est aussi le lac le plus profond de la planète, jusqu’à 1642 mètres de profondeur. Son volume d’eau représente approximativement 20 % du volume mondial d’eau douce retenue dans les lacs et les rivières. Soit autant par exemple que celui de la mer Baltique !

L’eau est pure au lac Baïkal. Tellement pure d’ailleurs qu’elle attise les convoitises des Chinois qui ont commencé, avec toutes les autorisations nécessaires, la construction, sur la rive Sud du lac, d’une usine d’embouteillage. Mais la nouvelle a soulevé une rare onde de choc dans la société russe. Une pétition en ligne exigeant son interdiction a rassemblé près d’un million de signatures, des opposants, des écologistes, mais aussi des locaux. C’est cette pétition qui ne cesse de grossir qui a, semble-t-il, fait réagir les autorités. Le chantier est actuellement arrêté.

Les convoitises chinoises ne sont pas nouvelles. Il y a 2 ans déjà, des ingénieurs chinois avaient imaginé la construction d’un aqueduc de 1700 km pour acheminer l’eau du lac jusqu’à Lanzhou, dans le centre de la Chine, ville pourtant traversée par le fleuve Jaune.

Le Baïkal est mythique. Nous visitons à Listvianka le passionnant musée qui lui est consacré. L’occasion de découvrir la faune qui lui est propre, une des faunes d’eau douce les plus riches et originales de la planète. Les eaux du lac, fortement oxygénées, sont riches. Elles abritent par exemple le seul phoque d’eau douce au monde, ainsi qu’une espèce endémique, l’omoul, un salmonidé très apprécié par les riverains pour sa chair savoureuse, notamment dans sa version fumée.

Listvianka est aussi le port d’embarquement pour les promenades sur la lac, l’occasion pour nous de prendre un peu le large.

Irkoutsk, la ville en dentelle

Lundi 10 juin 2019 – Ça y est ! Nous y sommes ! À 5185 km de Moscou et après 1087 km parcourus depuis notre départ de Krasnoïarsk, nous débarquons du Transsibérien en gare d’Irkoutsk, à quelques mètres seulement de l’Angara, la rivière qui traverse le « Paris de la Sibérie ».

Nous sommes à Irkoutsk, une ville mythique que nous connaissons depuis notre enfance grâce à Jules Verne et Michel Strogoff, le messager du tsar qui devait prévenir le grand duc de l’arrivée des hordes tatares menées par le traître Ivan Ogareff.

Comptoir fondé en 1652 pour la traite des fourrures avec les Bouriates, Irkoutsk fut d’abord une petite forteresse que les Cosaques érigèrent sur la rivière Irkout, à son embouchure dans l’Angara (d’où le nom « Irkoutsk »). Irkoutsk est une ville ancienne donc, fondée avant même Saint-Pétersbourg. Aujourd’hui accueillante, la ville est pourtant, depuis ses débuts, associée à l’exil. En 1753, lorsque la peine de mort est abolie, une nouvelle punition est introduite, la « mort politique ». Le condamné est privé de tous ses privilèges sociaux et politiques, et envoyé en exil en Sibérie. C’est grâce à ces exilés, notamment les aristocrates qui menèrent la tentative de coup d’État militaire à Saint-Pétersbourg le 26 décembre 1825 afin d’obtenir du futur empereur Nicolas Ier une constitution (on les appelle les Décembristes ou Décabristes), que la ville est devenue très tôt un foyer culturel majeur. Leur souvenir est omniprésent à Irkoutsk. Tout comme celui de ces exilés venus, volontairement ou de force, mettre en valeur de nouvelles terres de Sibérie, travailler sur les gigantesques chantiers (barrages hydroélectriques, lignes transsibériennes dont le BAM (Baïkal-Amour-Magistral, une branche Nord du Transsibérien). C’est ainsi qu’Irkoutsk est devenue une ville cosmopolite de plus de 600 000 habitants, peuplée de Russes, Biélorusses, Polonais, Ukrainiens, Baltes, Tadjiks, Géorgiens… Des populations qui se sont installées ici et y ont prospéré. En plus d’une vingtaine d’églises orthodoxes, Irkoutsk possède encore aujourd’hui deux églises catholiques, une mosquée, une synagogue, un temple bouddhiste.

Irkoutsk est une belle ville. Elle abrite notamment une remarquable architecture en bois, des maisonnettes aux allures de campagne, véritable dentelle de bois, en plein centre historique ! La ville est de plus située à seulement 66 km du fameux lac Baïkal, la plus grande réserve d’eau douce de la planète !  

Le Transsibérien, la colonne vertébrale de la Russie

 Dimanche 9 juin 2019 – Nous embarquons aujourd’hui en gare de Krasnoïarsk à bord du Transsibérien pour un parcours de 1087 km jusqu’à Irkoutsk, à travers les plaines et les forêts de Sibérie Orientale, du Ienisseï à l’Angara.

Transsibérien ? L’appellation porte souvent à confusion. On devrait plutôt utiliser le terme « lignes transsibériennes ». Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas un seul train que l’on peut qualifier sous ce vocable. En effet, par Transsibérien, on entend tous les trains reliant Moscou aux villes situées à l’Est de l’Oural. Dans les lignes transsibériennes, on peut aussi inclure celles desservant la Mongolie et même la Chine. Ou celles reliant les villes sibériennes entre elles.

Notre itinéraire par la route, de la frontière finlandaise au Pacifique, nous permet de mesurer le travail titanesque réalisé par des dizaines de milliers d’hommes, entre 1891 et 1916, qui plus est, dans des conditions climatiques épouvantables. Au final, ce projet pharaonique a permis la construction de la plus longue ligne de chemins de fer au monde, plus de 9200 km pour relier Moscou à Vladivostok (aujourd’hui réalisable en 143 heures soit une moyenne de 65 km/h contre 25 km/h en 1910), desservant au total 990 gares.

Construite pour implanter définitivement le pouvoir russe à travers le continent et développer les territoires immenses de la Sibérie, la ligne constitue encore aujourd’hui la colonne vertébrale de la Russie. Elle assure bien sûr encore le transport des voyageurs (même si elle est concurrencée logiquement par le transport aérien). Elle est aujourd’hui surtout destinée au fret. Elle passe par des régions réalisant 65% de l’extraction du charbon, 20% du raffinage de pétrole et 25% de la production de bois de toute la Russie. Le Transsibérien joue un rôle crucial pour le développement économique et social du pays.