Tchita, la ville des prisonniers

Jeudi 20 juin 2019 – Nous faisons relâche aujourd’hui sous le soleil de Tchita, une ville de plus de 300.000 habitants dont le nom a été synonyme d’exil pendant toute son Histoire. Après le coup d’État manqué de 1825 à Saint-Pétersbourg, de nombreux Décembristes furent exilés à Tchita. Pendant la Seconde guerre mondiale, des milliers de Japonais furent emprisonnés ici et y travaillèrent dans la construction, laissant en héritage un air japonisant à certains édifices. Comme à Irkoutsk, de nombreux bâtiments et musées militaires relatent l’Histoire des Décembristes, des batailles entre l’armée blanche et l’armée rouge et des différentes révoltes ouvrières de l’ère soviétique. Aujourd’hui encore, on recense sept centres de détention pour hommes et un pour femmes à Tchita ou dans ses environs. Et les habitants de la ville sont souvent d’anciens détenus.

De 1930 à l’effondrement de l’URSS en 1991, la ville était fermée aux étrangers et aux Russes non munis d’un sauf conduit, en raison de sa proximité avec la Chine et des installations militaires situées le long de la frontière.

Nous embarquons la nuit prochaine à bord du Transsibérien pour notre deuxième parcours en train de ce voyage, 1668 km pour rejoindre Belogork dans la région de l’Amour. Située au kilomètre 6199 sur la célèbre ligne ferroviaire transsibérienne (à 3 090 km de Vladivostok !), Tchita est la principale gare de correspondance avec le Trans-mandchourien, en direction de Harbin en Mandchourie, puis de Pékin.

Au pays de la mère Zlota et du père Gélisol

Mercredi 19 juin 2019 – Nous voici aujourd’hui en Transbaïkalie (que les Russes appellent Zabaïkalie), région immense, aussi vaste que la Suède (le 5e plus vaste pays d’Europe), que nous traversons jusqu’à sa capitale Tchita, notre étape du jour. La région est vaste mais la présence humaine se fait de plus en plus rare. La Transbaïkalie compte à peine un million d’habitants, dont plus d’un tiers vit à Tchita. La densité de population y est très faible, 2,3 habitants au kilomètre carré ! C’est la réalité géographique de l’Extrême-Orient russe qui va nous accompagner jusqu’à notre arrivée à Vladivostok.

La région partage une frontière avec la Mongolie et avec la Chine (près de 1000 km avec la Mandchourie). Les relations sino-russes sont plutôt détendues depuis quelques années, à tel point d’ailleurs que les armées russes et chinoises s’accordent régulièrement sur des manœuvres militaires communes en Transbaïkalie. Ce fut notamment le cas en septembre 2018, plus de 3200 soldats chinois ayant passé la frontière dans le cadre des gigantesques manœuvres Vostok. Plus de 300 000 soldats russes y auraient participé !

La réalité géographique de l’Extrême-Orient russe est liée à son climat, glacial l’hiver, les courts étés ne permettant pas au sous-sol de dégeler. C’est le phénomène géologique du pergélisol (permafrost en anglais), ce que les Russes appellent merzlota. Le sol est constamment gelé à une profondeur de l’ordre de 50 cm à 1 m. Au-dessus de ce pergélisol, le sol est seulement gelé en hiver mais dégèle à la belle saison, ce qui permet le développement de la végétation. Les paysages de la Transbaïkalie sont très marqués par ce phénomène qui touche près de la moitié du territoire russe.

Zen comme un Bouddha russe

Mardi 18 juin 2019 – Nous retrouvons ce matin nos vieux amis douaniers à la frontière russe. L’ambiance n’y est pas plus détendue qu’à notre premier passage et les formalités aussi longues. Après quatre heures de contrôles, nous quittons définitivement la Mongolie pour parcourir les steppes de Bouriatie, une des 22 républiques de la Fédération de Russie (une république aussi vaste que l’Allemagne mais peuplée de moins d’un million d’habitants) correspondant au territoire des minorités ethniques. Les Bouriates sont une ethnie mongole. Ils partagent beaucoup de points communs avec leurs voisins de Mongolie, notamment l’élevage nomade et la yourte. Leur nombre est estimé à 300.000 dans la république. L’acteur américain Yul Brynner (1920-1985) a été probablement le Bouriate le plus célèbre dans le monde.

A un vingtaine de kilomètres d’Oulan Oude, la capitale régionale, nous visitons le datsan d’Ivolguinsk, le temple bouddhiste tibétain le plus important de Russie. Fait étonnant, il a été inauguré en 1945, au moment de l’apogée de Joseph Staline. Le datsan abrite aujourd’hui plus de 200 moines

Selon différentes estimations, il y aurait environ 1,5 million de bouddhistes en Russie, soit 1 % de la population. Plusieurs peuples autochtones sont adeptes de cette religion : les Kalmoukes (en Kalmoukie, au Nord de la Caspienne), les Touvains (dans la République de Touva, dans l’Altaï), et les Bouriates que nous côtoyons aujourd’hui.