Archives mensuelles : juin 2017

23/06/2017 : Les feux de l’Amour

 

Journée sur les rails pour relier Tchita en Transbaikalie à Belogorsk puis Blagovechtchensk dans la région de l’Amour. Une journée et deux nuits à bord du Transsibérien, la première nuit étant très écourtée, conséquence d’un retard de près de deux heures du train. Pas de quoi perturber le flegme des cheminots russes, habitués à ce genre de péripéties. Que sont deux heures de retard sur un parcours de 9298 km?
Nous sommes donc désormais dans la région de l’Amour, un « confetti » de 361.000 km2 (la superficie de l’Allemagne!) dans l’immensité sibérienne. Elle a notamment une frontière au Nord avec la République de Sakha (3 millions de km2, moins d’un million d’habitants, capitale Iakoutsk) qui représente 10 fois sa superficie et qui, si elle était indépendante, serait le 8e pays le plus vaste au monde après l’Inde.
Le ciel de la région de l’Amour est parfois en feu. Non pas à cause des incendies de forêts qui pourraient ravager la taïga sibérienne. Mais à chaque lancement d’une fusée Soyouz. La petite ville de Tsiolkovski est en effet devenue le nouveau Baikonour. C’est à quelques kilomètres de la ville que les Russes développent depuis 2010 le cosmodrome de Vostotchny, le but étant de ne pas dépendre totalement des alliés kazakhs sur le territoire desquels se trouve la très stratégique Baikonour. Un complexe de lancement dédié aux fusées Soyouz à été aménagé à Vostochtny en 2016. Un deuxième pas de tir pour des fusées plus lourdes (fusées Angara) devrait voir le jour d’ici 2021. De quoi enflammer toute la région de l’Amour!

22/06/2017 : Tchita, la cité de l’exil

Située au kilomètre 6199 sur la célèbre ligne ferroviaire transsibérienne (à 3 090 km de Vladivostok !), Tchita est la principale gare de correspondance avec le Trans-mandchourien, en direction de Harbin en Mandchourie puis de Pékin.

De 1930 à l’effondrement de l’URSS en 1991, la ville était fermée aux étrangers et aux Russes non munis d’un sauf conduit, en raison de sa proximité avec la Chine et des installations militaires situées le long de la frontière.

Tchita a été synonyme d’exil pendant toute son Histoire. Après le coup d’État manqué de 1825 à Saint-Pétersbourg, de nombreux Décembristes furent exilés à Tchita. Pendant la Seconde guerre mondiale, des milliers de Japonais furent emprisonnés ici et y travaillèrent dans la construction, laissant en héritage un air japonisant à certains édifices. Comme à Irkoutsk, de nombreux bâtiments et musées militaires relatent l’Histoire des Décembristes, des batailles entre l’armée blanche et l’armée rouge et des différentes révoltes ouvrières de l’ère soviétique.

Tchita restera aussi pour nous la gare d’embarquement à bord du Transsibérien, pour notre deuxième parcours en train de ce voyage, 1668 km pour rejoindre Belogork dans la région de l’Amour. Un parcours en train qui nous permet d’éviter les grands espaces quasi désertiques de la taïga sibérienne, et de palier au manque de villes et donc d’hôtels dans la région.

21/06/2017 : Le grand vide sibérien et le trop plein chinois

Longue étape de 660 km aujourd’hui pour relier Oulan-Oude à Tchita à travers les paysages de la Transbaïkalie, région immense de 431.000 km² (soit pratiquement la superficie de la Suède, le 5e plus vaste pays d’Europe !), peuplée d’à peine un million d’habitants dont plus de 300.000 dans la seule ville de Tchita, la capitale régionale. La densité de population y est très faible, 2,3 habitants au kilomètre carré ! C’est la réalité de l’Extrême-Orient russe qui va nous accompagner jusqu’à notre arrivée à Vladivostok.
Cette réalité nous met en évidence un des principaux problèmes de la Russie aujourd’hui, la démographie ! Le pays a perdu une partie de sa population ces dernières années (elle compte aujourd’hui 144 millions d’habitants contre 149 millions en 1988). La population est très inégalement répartie, entre l’Europe et l’Asie et entre le Nord et le Sud du pays. La Sibérie ne compte par exemple que 39 millions d’habitants pour un territoire immense représentant près de 24 fois la superficie de la France. Un territoire immense, et un réservoir de richesses minières et pétrolières très variées, dont par exemple plus du quart des réserves mondiales de diamant. Un territoire qui ne peut que susciter l’intérêt de la Chine voisine et des ses 1,37 milliard d’habitants. Des chiffres de plusieurs millions d’immigrés chinois en Sibérie ont circulé, mais le gouvernement russe a strictement limité leur nombre à 400 000. Le sujet inquiète Moscou et les visées expansionnistes de Pékin semblent inévitables.  La Mongolie et la Russie auront de toute évidence le plus grand mal à résister un jour à l’expansion chinoise. Le gouvernement de Vladimir Poutine essaie d’inciter l’immigration russe en Extrême Orient. La Sibérie orientale a perdu 2 millions d’habitants en 25 ans. Parmi les mesures incitatives, un hectare de terre est offert à chaque nouvel arrivant. L’opération a été lancée en juin 2016. Mais pour le moment, pas vraiment de ruée vers l’Est.