Archives mensuelles : juin 2019

La démesure sibérienne

Lundi 3 juin 2019 – Depuis que nous avons franchi l’Oural jeudi 30 mai, depuis que nous sommes en Asie, nous sommes entrés dans une autre dimension, un monde à une échelle qui n’est pas tout à fait celle à laquelle nous sommes habitués, nous, Européens. Nous sommes désormais dans le pays de la démesure.

Avec plus de 13 millions de km², la Sibérie représente 77 % de la surface de la Russie et couvre 24 fois la superficie de notre chère France. 7375 km séparent Ekaterinbourg, la première ville sibérienne sur notre itinéraire, de Vladivostok, notre étape ultime, sur le Pacifique (7375 km, par la voie routière la plus directe !). Pour faire une comparaison, 7375 km, c’est 5 fois la distance routière la plus longue en France métropolitaine (1501 km, du Conquet dans le Finistère, à Menton dans les Alpes-Maritimes).

La Sibérie Occidentale, que nous découvrons aujourd’hui entre Tobolsk et Omsk (685 km), présente un relief relativement plat (avec des altitudes qui dépassent rarement les 100 mètres) et offre une alternance de taïgas épaisses et de terres agricoles, mal drainées, truffées de lacs et de marécages.

Dans une grande partie de la région le sol est gelé en permanence à faible profondeur (c’est ce qu’on appelle le pergélisol), ce qui contribue à accentuer le phénomène de stagnation des eaux en surface et contribue à la pauvreté des sols. Seul le Sud de la Sibérie Occidentale est constitué de terres particulièrement fertiles.

Après une pause déjeuner à Ichim, à seulement 95 km de la frontière du Kazakhstan, nous faisons étape pour 2 nuits à Omsk. Nous sommes dans le bassin de l’Irtych, une rivière de 4200 km, une longueur qui symbolise parfaitement toute la démesure sibérienne !

Tobolsk, le Kremlin des Cosaques

Dimanche 2 juin 2019 – Nous quittons ce matin Tioumen en suivant la rivière Toura. Direction Tobolsk, petite ville oubliée de Sibérie Occidentale, fondée en 1587 par les Cosaques et qui fut, jusqu’en 1830, capitale administrative de la Sibérie.

Ville historique, Tobolsk a souffert d’être restée à l’écart de la ligne ferroviaire transsibérienne construite à la fin du XIXe siècle. Elle ne compte aujourd’hui que 100.000 habitants, ce qui en fait une petite ville en comparaison avec ses voisines Tioumen et Omsk.

Tobolsk possède le seul kremlin construit au-delà de l’Oural, bâti au début du XVIIIe siècle par les Cosaques. Le seul kremlin de Sibérie et l’un des douze que compte encore la Russie aujourd’hui, le 7e sur notre itinéraire, après celui de Novgorod, de Moscou, de Rostov-le-Grand, de Souzdal, de Nijni-Novgorod et de Kazan.

Notre itinéraire de Tioumen à Tobolsk passe par Pokrovskoïe, une bourgade qui a vu naître en 1869 l’un des personnages les plus influents et les plus controversés des dernières années de la Russie impériale, Grigori Raspoutine. Son histoire étonnante est celle d’une improbable ascension sociale, celle d’un moujik de Sibérie qui réussit à s’installer au palais impérial à Saint-Pétersbourg, à la fois comme guérisseur du tsarévitch et comme confident de la tsarine Alexandra.

A Tioumen, pour remettre les gaz

Samedi 1er juin 2019 – Nous voici à Tioumen ce midi, après avoir parcouru, sur les routes de Sibérie, les 330 km qui nous séparent d’Ekaterinbourg. Nous sommes désormais dans une « autre » Russie, plus provinciale, de plus en plus éloignée du centre névralgique (et donc du pouvoir politique et économique) du pays. Moscou est désormais à 2114 km.

Tioumen est excentrée. La ville est pourtant un des poumons économiques de la Russie. Son destin a changé en 1948 avec la découverte d’importants gisements de pétrole dans la région. Le boom économique qu’elle a généré dans les années 50 et 60, a entraîné un rapide développement démographique, qui se poursuit encore aujourd’hui, très rapidement même (en 2013, la ville comptait 634.000 habitants contre 542.000 en 2006). Tioumen est l’eldorado pour de nombreux Russes qui viennent chercher ici des salaires bien plus élevés que dans le reste du pays. Si les gisements d’hydrocarbures sont répartis dans tout l’oblast de Tioumen, un territoire vaste comme 3 fois la France, s’ils sont donc parfois très éloignés, les grandes compagnies russes, Youkos, Gazprom ou LUKoil, ont leurs bureaux à Tioumen où travaillent notamment de nombreux scientifiques. Ce qui en fait aujourd’hui la ville de Russie ayant les plus hauts revenus par habitant.