Archives mensuelles : juin 2019

Le Transsibérien, la colonne vertébrale de la Russie

 Dimanche 9 juin 2019 – Nous embarquons aujourd’hui en gare de Krasnoïarsk à bord du Transsibérien pour un parcours de 1087 km jusqu’à Irkoutsk, à travers les plaines et les forêts de Sibérie Orientale, du Ienisseï à l’Angara.

Transsibérien ? L’appellation porte souvent à confusion. On devrait plutôt utiliser le terme « lignes transsibériennes ». Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas un seul train que l’on peut qualifier sous ce vocable. En effet, par Transsibérien, on entend tous les trains reliant Moscou aux villes situées à l’Est de l’Oural. Dans les lignes transsibériennes, on peut aussi inclure celles desservant la Mongolie et même la Chine. Ou celles reliant les villes sibériennes entre elles.

Notre itinéraire par la route, de la frontière finlandaise au Pacifique, nous permet de mesurer le travail titanesque réalisé par des dizaines de milliers d’hommes, entre 1891 et 1916, qui plus est, dans des conditions climatiques épouvantables. Au final, ce projet pharaonique a permis la construction de la plus longue ligne de chemins de fer au monde, plus de 9200 km pour relier Moscou à Vladivostok (aujourd’hui réalisable en 143 heures soit une moyenne de 65 km/h contre 25 km/h en 1910), desservant au total 990 gares.

Construite pour implanter définitivement le pouvoir russe à travers le continent et développer les territoires immenses de la Sibérie, la ligne constitue encore aujourd’hui la colonne vertébrale de la Russie. Elle assure bien sûr encore le transport des voyageurs (même si elle est concurrencée logiquement par le transport aérien). Elle est aujourd’hui surtout destinée au fret. Elle passe par des régions réalisant 65% de l’extraction du charbon, 20% du raffinage de pétrole et 25% de la production de bois de toute la Russie. Le Transsibérien joue un rôle crucial pour le développement économique et social du pays.

Krasnoïarsk et les montagnes russes

Samedi 8 juin 2019 – Nous sommes arrivés hier soir à Krasnoïarsk, sur les rive du fleuve Ienisseï (5539 km), 5e plus long fleuve au monde après le Nil, l’Amazone, le Yangzi Jiang et le Mississippi). Un fleuve aux eaux tumultueuses que Michel Strogoff eut toutes les peines du monde à traverser dans le roman de Jules Verne. Pour franchir le fleuve, point de tumulte aujourd’hui, mais un magnifique pont métallique construit entre 1893 et 1896 sur la ligne transsibérienne. Nous le franchirons demain à bord du mythique train.

Nous découvrons cette ville ancienne, fondée en 1628 par les Cosaques. Développée surtout autour de complexes industriels dans les années 30, à l’époque des plans quinquennaux, Krasnoïarsk compte aujourd’hui plus d’un million d’habitants. Depuis la chapelle de Paraskeva, célèbre dans toute la Russie pour figurer sur le billet de 10 roubles, la vue est magnifique. Nous découvrons aussi de très beaux panoramas dans l’après-midi au parc national des Stolby situé à une dizaine de kilomètres de la ville. Le site, classé par l’UNESCO, s’étend sur plus de 47000 hectares et abrite une curiosité géologique rare. On peut y observer l’incroyable travail de l’érosion sur la roche, le vent et la pluie ayant sculpté ici des figures gigantesques qui portent chacune un nom. Le relief est somptueux. Étonnant même pour nous qui avons parcouru plus de 8000 km sans voir la moindre montagne.

Kemerovo pleure ses enfants

Vendredi 7 juin 2019 – Nous quittons Kemerovo ce matin sous la pluie. Cette ville de 554 000 habitants est le centre administratif du Kouzbass, une des grandes régions minières et industrielles développées par les soviétiques dans le cadre des fameux plans quinquennaux (comme le Donbass, en Ukraine). Le Kouzbass, dont le nom est une abréviation de « bassin de Kouznetsk », s’est développé autour de mines de charbon, découvertes en 1721 et exploitées réellement à partir de 1851. Le charbon est extrait ici en grande partie dans des mines à ciel ouvert. Le Kouzbass assure à lui seul 30% de la production russe. Les réserves sont énormes, estimées à plus de 400 ans.

Kemerovo a été le théâtre d’un drame qui a ému toute la Russie il y a un peu plus d’un an. Le 28 mars 2018, un incendie détruisait le centre commercial « Cerise d’Hiver », tuant au moins 64 personnes dont de nombreux enfants venus assister, dans le cadre d’une sortie scolaire, à un dessin animé diffusé pour l’occasion dans au moins 3 salles de cinéma situées au dernier étage du complexe commercial. L’ampleur de la catastrophe aurait eu pour cause plusieurs négligences. Et notamment celle des professeurs et accompagnateurs qui, ne souhaitant pas assister à la séance et ne souhaitant pas voir les enfants se disperser dans le centre commercial, auraient demandé aux employés du cinéma de fermer les portes des salles de cinéma à clé. Des issues de secours étaient aussi condamnées alors que les alarmes incendie étaient en panne depuis plusieurs jours. Tous ces facteurs ont provoqué le chaos et la confusion pendant l’incendie qui n’a pu être maîtrisé que le lendemain matin. La catastrophe a provoqué une grande émotion dans toute la Russie. 41 enfants ont péri dans l’incendie.

Nous quittons donc le Kouzbass, pour une étape de 550 km à travers la taïga sibérienne, jusqu’à Krasnoïarsk, sur le fleuve Ienisseï, frontière naturelle entre Sibérie occidentale et Sibérie orientale.