Bons baisers d’Extrême-Orient

Dimanche 23 juin 2019 – Une longue étape de près de 690 km nous attend aujourd’hui dans les grands espaces quasi-désertiques de l’Extrême-Orient russe, entre Blagovechtchensk et Khabarovsk. Sur ce parcours, 3 régions administratives : l’oblast de l’Amour (dont le chef-lieu est Blagovechtchensk), la région autonome du Birobidjan et, en fin de journée, le kraï d’Extrême-Orient. La plus grande ville de la région est Khabarovsk. Mais, par un décret de Vladimir Poutine de décembre 2018, le chef-lieu de l’Extrême-Orient a été transféré de Khabarovsk à Vladivostok.

La petite région du Birobidjan (36200 km²), quant à elle, a été fondée en 1934 à l’initiative de Staline pour donner à la communauté juive d’URSS un territoire, conformément à la constitution du 31 janvier 1924 qui garantissait un territoire à chaque nationalité soviétique. Bien que très éloignée, des milliers de personnes décidèrent cependant de partir s’y installer, à la fois en pensant mettre fin à un exode de plusieurs siècles, mais aussi afin de s’éloigner le plus possible d’une Europe devenue folle sous le joug d’Hitler. Très vite, les premiers immigrants furent rejoints par de nombreux autres, venus de France, des Etats-Unis, ou encore d’Amérique du Sud. Cependant, même si la population juive atteignit, dans sa meilleure période, environ 30.000 personnes, on resta très loin du demi-million qu’espérait Staline.

Même si le Birobidjan a connu un seconde vague d’immigration juive à la fin de la Guerre, la création de l’Etat d’Israël a mis fin au rêve soviétique de peupler la région. Le Birobidjan a perdu lentement sa population juive, un phénomène de départs amplifié après la chute de l’URSS en 1991. Aujourd’hui, les traces du judaïsme sont bien maigres. Il ne resterait à peine que 2000 Juifs dans la région, une synagogue et quelques inscriptions en yiddish.

Un pont sur l’Amour

Samedi 22 juin 2019 – Après un voyage de plus de 1500 km sur les rails, nous débarquons à Belogorsk, une ville qui doit son développement à l’arrivée du Transsibérien en 1913. Nous sommes au kilomètre 7866 de la ligne mythique reliant Moscou à Vladivostok (ligne d’une longueur totale de 9288 km). Belogorsk n’est pas notre étape finale de la journée. C’est à Blagovechtchensk, à une centaine de kilomètres au Sud, que nous sommes attendus pour embarquer sur un bateau pour une croisière sur l’Amour.

300 mètres, c’est la largeur du fleuve Amour (long de 4354 km) qui sépare la ville de Blagovechtchensk, la capitale de la région de l’Amour où nous faisons étape ce soir, de sa voisine chinoise Heihe qui lui fait face. Le fleuve sépare les deux pays depuis 1860 et le traité de Pékin. Plus tard, à l’époque de la révolution culturelle, Blagovechtchensk fut soumise en permanence à la propagande maoïste déversée par haut-parleurs depuis la rive chinoise. Les choses ont bien changé aujourd’hui. Et, à 8000 km de Moscou, la raison l’a emporté. Blagovechtchensk et Heihe forment un zone de libre échange qui permet aux citoyens russes de franchir le fleuve sans visa et, à l’inverse, aux Chinois de venir faire du commerce à Blagovechtchensk sans contrainte douanière.

Le meilleur symbole de l’approfondissement des relations entre la Russie et la Chine est l’achèvement d’un pont transfrontalier sur le fleuve Amour, reliant les deux villes. Après 30 ans de discussions et de tergiversations, puis 3 ans de travaux, les parties russe et chinoise de l’ouvrage ont été reliées tout récemment, le 31 mai 2019. Cette étape de la construction est bien sûr symbolique. Le pont, d’une longueur d’un kilomètre, ne sera mis en service qu’au printemps 2020. Entre la Chine et la Russie, c’est le grand amour!

 

Les secrets de l’Amour

Vendredi 21 juin 2019 – Journée sur les rails pour relier Tchita en Transbaïkalie, à Belogorsk puis Blagovechtchensk dans la région de l’Amour. Nous sommes donc désormais dans la région de l’Amour, un « confetti » de 361.000 km² (la superficie de l’Allemagne!) dans l’immensité sibérienne. Elle a notamment une frontière au Nord avec la République de Sakha (3 millions de km² , moins d’un million d’habitants, capitale Iakoutsk) qui représente 10 fois sa superficie et qui, si elle était indépendante, serait le 8e pays le plus vaste au monde après l’Inde.

Située à 115 km de Belogorsk, le terminus de notre voyage à bord du Transsibérien, la ville de Tsiolkovski a été fondée en 1961 pour héberger les familles les militaires de l’Armée Rouge employés sur la base de missiles balistiques intercontinentaux construite à proximité. Tsiolkovski était une ville secrète. C’est ce site qui a été choisi par les Russes pour devenir le nouveau Baïkonour. Les Russes développent ici depuis 2010 le cosmodrome de Vostotchny, le but étant de ne pas dépendre totalement des alliés kazakhs sur le territoire desquels se trouve la très stratégique Baïkonour (et sans doute aussi pour ne plus avoir à verser les 150 millions d’euros de loyer annuel aux Kazakhs !) . Un complexe de lancement dédié aux fusées Soyouz à été aménagé à Vostochtny en 2016. Depuis, plusieurs lancements y ont été réussis.

Le principal inconvénient du cosmodrome de Vostochtny est son éloignement de Samara, la ville où sont fabriqués les lanceurs Soyouz. Il faut près de 3 semaines pour les acheminer par train jusqu’à leur nouveau pas de tir.