Archives mensuelles : juin 2019

La Bolce Vita à Khabarovsk

Lundi 24 juin 2019 – Nous faisons étape aujourd’hui à Khabarovsk, à seulement 30 km de la Mandchourie, dont on aperçoit les collines depuis l’esplanade des Komsomolsk, de l’autre côté de l’Amour. Khabarovsk est une ville typiquement russe, à l’ambiance toute européenne. Tout ici rappelle l’Europe : les avenues bordées d’arbres, les immeubles pré-soviétiques, les tramways, les cafés pittoresques, les berges animées. A la belle saison, un air de Méditerranée s’empare même de la ville. Les baigneurs se prélassent, par beau temps, sur les plages le long du fleuve. Les terrasses de l’élégante avenue Mouraviova-Amourskovo, bordée de jolis immeubles de brique du XIXe siècle, se remplissent de jeunes ravis de pouvoir profiter enfin de la douceur des températures de l’été. Quelques palmiers en plus et on se croirait à Sotchi, la Riviera russe.

Les touristes chinois, japonais et coréens que nous croisons en ville nous rappellent que nous sommes bien en Extrême-Orient. Tout comme les voitures de marques asiatiques achetées au Japon (beaucoup avec le volant à droite) ou en Corée. Khabarovsk, plus grande ville russe en Extrême-Orient est une cité tournée économiquement vers l’Asie mais à la douceur de vivre typiquement européenne. Étonnant en Extrême-Orient, à plus de 8000 km de Moscou !

Bons baisers d’Extrême-Orient

Dimanche 23 juin 2019 – Une longue étape de près de 690 km nous attend aujourd’hui dans les grands espaces quasi-désertiques de l’Extrême-Orient russe, entre Blagovechtchensk et Khabarovsk. Sur ce parcours, 3 régions administratives : l’oblast de l’Amour (dont le chef-lieu est Blagovechtchensk), la région autonome du Birobidjan et, en fin de journée, le kraï d’Extrême-Orient. La plus grande ville de la région est Khabarovsk. Mais, par un décret de Vladimir Poutine de décembre 2018, le chef-lieu de l’Extrême-Orient a été transféré de Khabarovsk à Vladivostok.

La petite région du Birobidjan (36200 km²), quant à elle, a été fondée en 1934 à l’initiative de Staline pour donner à la communauté juive d’URSS un territoire, conformément à la constitution du 31 janvier 1924 qui garantissait un territoire à chaque nationalité soviétique. Bien que très éloignée, des milliers de personnes décidèrent cependant de partir s’y installer, à la fois en pensant mettre fin à un exode de plusieurs siècles, mais aussi afin de s’éloigner le plus possible d’une Europe devenue folle sous le joug d’Hitler. Très vite, les premiers immigrants furent rejoints par de nombreux autres, venus de France, des Etats-Unis, ou encore d’Amérique du Sud. Cependant, même si la population juive atteignit, dans sa meilleure période, environ 30.000 personnes, on resta très loin du demi-million qu’espérait Staline.

Même si le Birobidjan a connu un seconde vague d’immigration juive à la fin de la Guerre, la création de l’Etat d’Israël a mis fin au rêve soviétique de peupler la région. Le Birobidjan a perdu lentement sa population juive, un phénomène de départs amplifié après la chute de l’URSS en 1991. Aujourd’hui, les traces du judaïsme sont bien maigres. Il ne resterait à peine que 2000 Juifs dans la région, une synagogue et quelques inscriptions en yiddish.

Un pont sur l’Amour

Samedi 22 juin 2019 – Après un voyage de plus de 1500 km sur les rails, nous débarquons à Belogorsk, une ville qui doit son développement à l’arrivée du Transsibérien en 1913. Nous sommes au kilomètre 7866 de la ligne mythique reliant Moscou à Vladivostok (ligne d’une longueur totale de 9288 km). Belogorsk n’est pas notre étape finale de la journée. C’est à Blagovechtchensk, à une centaine de kilomètres au Sud, que nous sommes attendus pour embarquer sur un bateau pour une croisière sur l’Amour.

300 mètres, c’est la largeur du fleuve Amour (long de 4354 km) qui sépare la ville de Blagovechtchensk, la capitale de la région de l’Amour où nous faisons étape ce soir, de sa voisine chinoise Heihe qui lui fait face. Le fleuve sépare les deux pays depuis 1860 et le traité de Pékin. Plus tard, à l’époque de la révolution culturelle, Blagovechtchensk fut soumise en permanence à la propagande maoïste déversée par haut-parleurs depuis la rive chinoise. Les choses ont bien changé aujourd’hui. Et, à 8000 km de Moscou, la raison l’a emporté. Blagovechtchensk et Heihe forment un zone de libre échange qui permet aux citoyens russes de franchir le fleuve sans visa et, à l’inverse, aux Chinois de venir faire du commerce à Blagovechtchensk sans contrainte douanière.

Le meilleur symbole de l’approfondissement des relations entre la Russie et la Chine est l’achèvement d’un pont transfrontalier sur le fleuve Amour, reliant les deux villes. Après 30 ans de discussions et de tergiversations, puis 3 ans de travaux, les parties russe et chinoise de l’ouvrage ont été reliées tout récemment, le 31 mai 2019. Cette étape de la construction est bien sûr symbolique. Le pont, d’une longueur d’un kilomètre, ne sera mis en service qu’au printemps 2020. Entre la Chine et la Russie, c’est le grand amour!